Par YanK l'Innommé - Août 2025

YouTube vient de franchir une nouvelle étape dans sa logique de dépossession des créateurs. On apprend que la plateforme a discrètement lancé un test qui modifie les vidéos Shorts en utilisant une intelligence artificielle dite "d’amélioration".

Officiellement, il s’agit de rendre l’image plus nette, de déflouter, de réduire le bruit visuel. Dans les faits, des créateurs se sont retrouvés avec des vidéos dénaturées : grain supprimé, peau lissée, esthétique transformée sans qu’ils n’aient jamais donné leur accord. Et, pire encore, sans qu’ils n’en soient même informés.

Certains rétorqueront : "Ce n’est qu’un test", "Ce n’est pas génératif", "C’est pour améliorer la qualité". Mais le vrai problème n’est pas là. La question centrale est : qui décide de ce qui doit être modifié ? Qui est légitime pour intervenir dans une œuvre une fois qu’elle est mise en ligne ? En agissant ainsi, YouTube affirme implicitement que ce droit lui appartient. Qu’une fois ta vidéo uploadée, elle n’est plus vraiment la tienne.

Ce glissement est gravissime. Car il ne s’agit pas d’une maladresse isolée : c’est une logique qui se répète et se renforce. Il y a quelques semaines à peine, YouTube évoquait l’idée d’intégrer directement les publicités dans les vidéos, de manière indissociable, pour contourner les bloqueurs de pubs. Là encore, même logique : ta création n’est plus ton espace, c’est une matière première que la plateforme s’approprie, modifie et instrumentalise. Qu’importe que ton travail ait une cohérence esthétique, une identité propre : il devient un support à transformer pour servir les objectifs techniques et commerciaux de Google.

Aujourd’hui, on parle de filtres visuels appliqués sans consentement. Demain, on parlera peut-être de titres réécrits automatiquement "pour optimiser le clic". Après-demain, on verra apparaître des insertions publicitaires incrustées au cœur même de la vidéo, altérant l’intégrité de l’œuvre. Et qui sait si, à terme, on ne justifiera pas aussi une correction automatique des propos pour se conformer aux normes publicitaires ou politiques de la plateforme.

Ce n’est pas de la science-fiction : c’est la pente naturelle de cette logique. Une logique où la plateforme ne se voit plus comme un simple hébergeur, mais comme le propriétaire effectif des œuvres, libre d’en modifier le rendu, le sens et l’usage. Une logique où le créateur n’est plus qu’un fournisseur de matière première, un pion interchangeable dans une immense usine à contenus calibrés pour l’algorithme et pour la publicité.

Et ce mépris est d’autant plus insupportable que YouTube n’existe que par ses créateurs. Sans eux, il n’y a rien. Pas de contenu, pas de spectateurs, pas de revenus publicitaires. Mais au lieu de traiter ces créateurs comme des partenaires, la plateforme les considère comme de simples utilisateurs, invisibles et interchangeables, qu’on peut manipuler sans même leur demander leur avis.

Il faut mesurer la gravité de ce qui se joue : ce n’est pas juste une question technique. C’est une question de souveraineté créative. Une vidéo, un film, une chanson, une œuvre, ce n’est pas une matière neutre que l’on peut "améliorer" ou "rentabiliser" à sa guise. C’est une expression artistique, une identité visuelle, un style, parfois même un message politique. Toucher à cela sans consentement, c’est une violation. Et c’est un précédent extrêmement dangereux. Il est urgent de dire stop. Les plateformes ne sont pas propriétaires des œuvres. Elles n’ont pas à les modifier, pas à les dénaturer, pas à les transformer en panneaux publicitaires. Leur rôle devrait être clair : héberger, diffuser, soutenir la création. Pas la remodeler. Tant que nous acceptons ces petites dérives comme de simples "tests", nous donnons à YouTube une carte blanche dangereuse pour agir à sa guise sur nos créations.

Alors oui, il faut le dire sans détour : YouTube méprise ses créateurs. Et si nous n’opposons pas un refus net, nous finirons par accepter comme normal que nos œuvres nous échappent totalement. La vidéo que tu publieras demain ne sera plus ton œuvre, mais la version que YouTube aura jugée optimale pour ses propres intérêts. Et ça, aucun créateur digne de ce nom ne devrait l’accepter.


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